Le chef d'entreprise et l'Etat providence

Le profil du harceleur

Le législateur considère que le harcèlement économique ou managérial sont à considérer comme un harcèlement moral. Nous préférons examiner les trois types de harcèlement séparément car la personnalité et les objectifs des harceleurs sont différents. Nous considérons que le harcèlement moral ascendant est le fait d'un pervers narcissique au sens strict, tel que défini par le Dr marie France Hirigoyen ou le psychanalyste Daniel Ajzenberg.

Une situation de harcèlement moral tient uniquement à la personnalité du harceleur qui possède une faille narcissique. Contrairement à une croyance populaire, le narcissisme n'est pas l'amour exagéré de soi, mais est constitué par la confiance en soi acquise par l'enfant au contact de sa mère dès les premiers mois de sa vie. Il s'agit là du "narcissisme primaire".

Le pervers narcissique est un délinquant en phase de harcèlement, il peut devenir un criminel s'il passe au stade du meurtre psychique. Cela même si le meurtre psychique n'existe pas actuellement dans le Code pénal.  Le pervers narcissique possède la même personnalité que des sadiques, des violeurs, des pédophiles... Tous ces criminels ont en commun le fait de ne pas avoir reçu un capital de confiance suffisant dans leur enfance, de ne jamais avoir ressenti l'importance de compter aux yeux de quelqu'un.

La seconde étape clé évoquée par Daniel Ajzenberg est le narcissisme secondaire: période de la vie  d'un enfant qui, ayant reçu de lui même suffisamment d'images positives, parvient à développer une capacité à identifier ses propres défauts et faiblesses, sans pour autant remettre en cause son orientation caractérielle. C'est sur la base de cette capacité que l'enfant se met à construire son identité par rapport à son environnement. Pour le harceleur, c'est à ce stade de cheminement psychologique que se situe la rupture. Il n'a pas été en mesure d'engranger suffisamment d'images positives de lui-même, ce qui explique l'exacerbation ultérieure de son narcissisme qui masque une absence de narcissisme primaire. 

La relation entre harceleur et harcelé s'apparente à une sorte de vampirisation par laquelle le harceleur cherche à s'imprégner du narcissisme du harcelé qui à l'inverse subit une diminution de son estime de soi.

Nous sommes donc loin de préoccupations professionnelles, mais face à un problème psychologique. Le harceleur a des failles psychologiques qui peuvent être dues à une mère absente, la sensation de ne pas avoir été désiré, une éducation trop sévère. Elles empêchent l'autonomisation de l'enfant. Alors même que Marie France Hirigoyen parle de narcissisme pervers, Ajzenberg préfère le terme de narcissisme égoïste. Le harceleur est en effet extrêmement égocentrique et ne se soucie pas des souffrances qu'il inflige à sa victime qu'il considère comme un objet.

L'emprise du harceleur passe par la culpabilisation de sa victime qu'il s'agit d'amener insidieusement à penser qu'elle est responsable de ce qui lui arrive, à considérer qu'elle est tout le moins pour quelque chose, qu'elle le mérite. La victime exprime sa souffrance tout en se sentant coupable intérieurement. Le harceleur va tout faire pour aggraver la souffrance interne. Si la victime s'interdit ou se voit interdire tout sentiment de colère, il y a alors de grandes chances qu'elle retourne cette colère contre elle même avec pour conséquence une destruction physique par une maladie psychosomatique ou dans un cas extrême un suicide.

Pour Marie France Hirigoyen, le harceleur est un pervers pour qui la peine et la souffrance qu'il engendre chez l'autre sont un spectacle jouissif. Le refus de l'altérité joint à des sentiments d'hostilité découlant de l'envie, de la jalousie à l'égard de l'autre constituent des facteurs essentiels dans la mise en place d'un processus de harcèlement.